Les aspects figuratifs et opératifs de la connaissance
Présentation
Citations
Présentation
Piaget distingue deux grands aspects dans la connaissance: les aspects opératifs et les aspects figuratifs. Les premiers se réfèrent aux actions matérielles (sensori-motrices) ou intériorisées (opérations) que le sujet exerce sur les objets. Ils désignent donc l'ensemble des transformations effectuées par le sujet sur les objets. Les seconds se réfèrent à la perception, à l'imitation ou à la représentation imagée. Ils se rapportent aux états (par opposition aux transformations) perçus, imités ou symbolisés, des objets. Cette dualité des aspects figuratifs et opératifs de la connaissance exprime, une fois de plus, le double apport de l'objet (états ou configurations) et du sujet (transformations) en jeu dans la connaissance.La connaissance ne constituant pas, pour Piaget, une copie, c'est-à-dire une simple imitation du réel, mais le résultat d'une activité exercée sur l'objet qui enrichit ce dernier de propriétés nouvelles, les aspects opératifs, c'est-à-dire les transformations réelles (actions matérielles) ou symboliques (actions intériorisées ou opérations) effectuées par le sujet sur les objets, jouent un rôle fondamental dans la connaissance.
L'analyse des données psychogénétiques concernant l'évolution de l'intelligence représentative montre que la conquête progressive de l'objectivité dans la compréhension et l'explication du réel est liée à une subordination croissante des aspects figuratifs (états ou configurations) de la connaissance à ses aspects opératifs (transformations effectuées par le sujet sur les objets). Cette subordination entraîne une modification dans la perception et la représentation mêmes des objets en fonction des actions exercées sur eux. La prédominance des aspects opératifs de la connaissance sur ses aspects figuratifs exprime ce fait fondamental, pour Piaget, à savoir que toute connaissance résulte d'une action du sujet sur le réel et n'en constitue jamais une simple copie.
L'une des principales critique que Piaget adresse à l'épistémologie bergsonienne, c'est précisément d'avoir attribué à l'intelligence tout entière les limitations propres à la perception et à la représentation imagée qui ne constituent en fait que l'un des aspects (l'aspect figuratif) de la pensée. Ainsi, pour Piaget, la critique bergsonienne est entièrement valable si l'on y voit une critique de la représentation imagée par rapport aux mécanismes opératoires (ou aspects opératifs) de l'intelligence, mais elle est manquée comme critique de l'intelligence.
©Marie-Françoise Legendre
Toute extrait de la présente présentation doit mentionner la source: Fondation Jean Piaget, Piaget et l'épistémologie par M.-F. Legendre
Les remarques, questions ou suggestons peuvent être envoyées à l'adresse: Marie-Françoise Legendre.
Haut de page
Citations
Aspects opératifs de la connaissanceConnaître ne consiste, en effet, pas à copier le réel mais à agir sur lui et à le transformer (en apparence ou en réalité), de manière à le comprendre en fonction des systèmes de transformations auxquels sont liés ces actions. B.C., p. 22 Distinction entre aspects opératifs et figuratifs de la connaissance Mais, en plus de cet aspect opératif de la connaissance (le terme d'opératif couvrant l'ensemble des actions et des opérations, de l'action sensori-motrice antérieure au langage aux opérations les plus abstraites) il faut distinguer un aspect figuratif, qui couvre les perceptions, l'imitation, les images ou la représentation imagée en général, et qui porte sur les états par opposition aux transformations comme telles; ou qui cherche à représenter les transformations, mais n'y parvient qu'en termes d'états et selon un symbolisme toujours inadéquat. L'étude du développement de l'intelligence chez l'enfant permet de mettre en évidence un niveau antérieur à l'achèvement des «opérations»; les images n'y sont alors qu'essentiellement statiques (...) et le raisonnement, attaché à ces états sans saisir encore les transformations, échoue en ce cas à résoudre les problèmes les plus élémentaires de conservation (....) Sitôt les opérations constituées, elles rejaillissent par contre sur l'aspect figuratif de la pensée en y introduisant un certain dynamisme (images, anticipations, etc.), mais nullement autonome et constamment subordonné aux mécanismes opératoires eux-mêmes. L.C.S., pp. 31-32.
Complémentarité des aspects figuratifs et opératifs de la connaissance dans le développement de l'intelligence
Le développement spontané de l'intelligence, qui conduit des actions sensori-motrices élémentaires aux opérations concrètes puis formelles, est ainsi caractérisé par la constitution progressive de systèmes de transformations. Nous appellerons «opératif» cet aspect des connaissances, le terme d'opératif embrassant aussi bien les actions initiales que les structures proprement opératoires (au sens strict). Mais les réalités qu'il s'agit de connaître ne consistent pas seulement en «transformations» et consistent également en «états», puisque chaque transformation part d'un état pour aboutir à un autre, et que chaque état constitue le produit ou le point de départ de transformations. Nous appellerons «figuratifs» les instruments de connaissance qui portent sur les états ou qui traduisent les mouvements ou les transformations en termes de simple succession d'états: telles sont la perception, l'imitation et cette sorte d'imitation intériorisée que constitue l'image mentale. P.P, pp. 55-56.
Haut de page