décalage
"[Au sujet des décalages verticaux Piaget note que] l'enfant ne parvient pas d'emblée à réfléchir en mots et en notions les opérations qu'il sait déjà exécuter en actes, et s'il ne peut les réfléchir, c'est qu'il est obligé pour s'adapter au plan collectif et conceptuel sur lequel se meut dorénavant sa pensée de refaire le travail de coordination entre l'assimilation et l'accommodation déjà accompli dans son adaptation sensori-motrice antérieure à l'univers physique et pratique" (La construction du réel chez l’enfant, 317).

"Les décalages horizontaux se produisent à un même niveau de ce développement mais entre systèmes différents d'actions ou de notions. Par exemple: conservation de la notion de poids où les groupements d'action en jeu sont les mêmes (addition simple ou vicariante des parties) mais ils s'appliquent à des contenus qualitativement différents (substance et poids)" ("Les mécanismes du dveloppement", in Archives de Psychologie, 1941, p. 263).


L’étude du développement de l’intelligence et des connaissances chez l’enfant et chez l’adolescent a permis à Piaget et à ses collaborateurs de mettre en évidence deux sortes de décalages dans les acquisitions des sujets. Les deux apportent des éléments d’information précieux sur la nature de ce développement.

Le premier type de décalage, qualifié de "vertical", concerne le constat, très tt établi par Piaget, selon lequel ce qui est acquis sur un plan du développement (par exemple le plan de la pensée concrète) doit être reconstruit sur un nouveau plan (en ce cas, le plan de la pensée formelle). En d’autres termes, un enfant qui sait résoudre concrètement une famille de problèmes (par exemple les problèmes de sériation des longueurs d’objets tels que des baguettes), ne parvient pas pour autant à trouver une solution si le problème lui est posé sous une forme abstraite, en l’occurrence sous une forme verbale, qui implique alors pour sa résolution le maniement de la logique des propositions. Ce premier type de décalage est le plus important du point de vue du constructivisme.

Le second type de décalage, dit "horizontal", concerne le constat selon lequel des problèmes de difficulté comparable, tant formellement, du point de vue de la structure des opérations qui permettent de les résoudre parfaitement, que du point de vue du niveau (action, représentation concrète, représentation abstraite) sur lequel ils sont posés, sont résolus pourtant à des âges différents par un même enfant.

Le second type de décalage est important du point de vue du statut qu’il convient de donner à la notion de structure opératoire, ainsi que du point de vue du fonctionnement de l’intelligence. Il signifie qu’il n’existe pas de structure de pensée sur un plan purement abstrait: toute construction d’opérations se fait toujours par rapport à une catégorie épistémique, et donc par rapport aux objets concernés par cette catégorie et par ces opérations (par exemple des opérations portant sur le poids des objets, ou sur leur volume, etc.). Il signifie aussi que l’on ne peut séparer ces opérations des notions qui leur sont associées (le poids, le volume, etc.). En d’autres termes, peser un objet n’est pas mesurer son volume pour l’enfant qui effectue ces opérations.


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