Fondation Jean Piaget

Chapitres de 1951 à 1970



1951.
La genèse de l'idée de hasard chez l'enfant. Avant-propos et Introduction
Texte PDF mis à disposition le 22.08.2010
 - Présentation
[Texte de présentation; version 9 juillet 2010]

Les auteurs présentent dans leur introduction la thèse qui s’est progressivement imposée à la lumière de cette étude sur la genèse de la notion de hasard chez l’enfant. Loin d’être innée ou a priori, cette notion implique l’acquisition préalable des opérations réversibles de la pensée logico-mathématique, et ceci s’explique par le fait que le hasard est le résultat de l’interférence de séries causales indépendantes dont chacune est au contraire supposée se dérouler selon des lois ou des mécanismes causaux parfaitement déterminés (serait-ce sur le plan statistique, et faisant donc eux aussi, à leur échelle, place au hasard). Il faut donc que le sujet ait déjà acquis une notion opératoire de causalité mécanique (liée au développement des opérations concrètes) pour que puisse naître chez lui la notion même de hasard.

L’examen des réponses des enfants révèle en outre comment la notion et le calcul de probabilité, qui sont la condition de la maîtrise opératoire du hasard intervenant inévitablement dans l’enchaînement irréversible des phénomènes naturels, sont quant à eux directement dépendant du développement de la pensée combinatoire (composée des opérations de combinaison, de permutation et d’arrangement), cette pensée n’apparaissant qu’au stade formel, avec la capacité d’opérer sur des opérations (de sérier des sériations, etc.).

Les derniers paragraphes de l'introduction contiennent une brève description du plan de cet ouvrage peu connu, mais qui montre avec quel brio Piaget et Inhelder parviennent à croiser questions épistémologiques et enquêtes psychogénétiques, en apportant dans le même élan des réponses à ces questions et une meilleure connaissance de la pensée et de l’intelligence de l’enfant et de l’adolescent.

1951.
La genèse de l'idée de hasard chez l'enfant. 3e partie: les opérations combinatoires
Chap.7: Le développement des opérations de combinaison
Texte PDF mis à disposition le 30.05.2010
 - Présentation
[Texte de présentation; version du 30 mai 2010.]

Composée de trois chapitres, la troisième partie de l'ouvrage sur "La genèse de l'idée de hasard chez l'enfant" porte sur la genèse des opérations combinatoires sous-jacentes au calcul des probabilités et donc à la maîtrise du hasard. Le chapitre 7 porte sur les opérations dites de combinaison, qui, aux côtés des opérations de permutation et des opérations d'arrangement composent l'ensemble des opérations combinatoires. Il faut attendre le stade de la pensée formelle, en tant que caractérisé par la capacité d'opérer sur des opérations, pour que soit maîtrisés ces trois systèmes combinatoires. Au niveau des opérations concrètes, c'est-à-dire entre 7 et 10 ans environ, c'est seulement par tâtonnement que le sujet parvient à trouver les combinaisons possibles d'un certain nombre d'éléments, sans d'ailleurs être assuré de toutes les lister.

1951.
La genèse de l'idée de hasard chez l'enfant. 3e partie: les opérations combinatoires
Chap.8: Les opérations de permutation
Texte PDF mis à disposition le 04.07.2010
 - Présentation
[Texte de présentation; version 10 juin 2010]

Composée de trois chapitres, la troisième partie de l'ouvrage sur "La genèse de l'idée de hasard chez l'enfant" porte sur la genèse des opérations combinatoires sous-jacentes au calcul des probabilités et donc à la maîtrise du hasard. Le chapitre 8 porte sur les opérations de permutation, qui, aux côtés des opérations de combinaison (1 à 1, 2 à 2, 3 à 3, etc.) et des opérations d'arrangement (combinaisons n à n tenant compte de l'ordre de placement des éléments et donc des permutations possibles au sein d'une combinaison) composent l'ensemble des opérations combinatoires. Alors que les opérations de combinaison sont maîtrisées au début de la pensée formelle, il faut attendre l'achèvement du stade de la pensée formelle pour que soit pleinement acquis le système, plus compliqué, des permutations. Cet achèvement plus tardif permet de suivre plus en détail l'acquisition progressive de ce système.

1951.
La genèse de l'idée de hasard chez l'enfant. 3e partie: les opérations combinatoires
Chap.9: Les opérations d'arrangement
Texte PDF mis à disposition le 10.07.2010
 - Présentation
[Texte de présentation; version 26 juin 2010]

Composée de trois chapitres, la troisième partie de l'ouvrage sur "La genèse de l'idée de hasard chez l'enfant" porte sur la genèse des opérations combinatoires sous-jacentes au calcul des probabilités et donc à la maîtrise du hasard. Alors que le chapitre 7 portait sur les opérations de combinaisons (1 à 1, 2 à 2, 3 à 3, …, n à n) de n objets ou éléments, et le chapitre 8 sur les opérations de permutations au sein d’un ensemble de n éléments, le chapitre 9 porte sur les opérations d’arrangements, c’est-à-dire de combinaisons n à n tenant compte de l'ordre de placement des éléments et donc des permutations possibles au sein d'une combinaison.

La dernière section de ce chapitre porte sur la "quantification des probabilités fondées sur les arrangements", quantification dont l'exemple le plus célèbre en histoire des sciences réside dans la découverte par Mendel de la loi de reproduction des caractères lors de l'hybridation de variétés héréditaires de petits pois.

1951.
La genèse de l'idée de hasard chez l'enfant. Chap. 10: Conclusions: Hasard, probabilité et opérations
Texte PDF mis à disposition le 29.08.2010
 - Présentation
[Texte de présentation; version 2 juillet 2010]

Dans leurs conclusions, Piaget et sa collaboratrice B. Inhelder s’appuient sur les réponses des enfants de différents niveaux de développement intellectuel pour montrer comment l'acquisition de la notion de hasard est, dans une première étape, liée à celle de la genèse des groupements d’opérations spatio-temporelles (pour ce qui est du hasard physique) et des groupements d’opérations logico-arithmétiques (pour ce qui est du hasard arithmétique). Ils montrent également comment cette acquisition d’une première notion de hasard va de pair avec une dissociation du possible et du nécessaire liée à l’acquisition de l’opération d’emboîtement des classes logiques (si A+A’=B, alors tout élément individuel tiré à l’aveugle de la collection B est nécessairement soit un A soit un A’, sans que l’on puisse déduire si cet élément sera un A ou au contraire un A’ en raison du caractère aléatoire du tirage). Cependant, il faut attendre le développement des opérations formelles liées au développement de la pensée hypothético-déductive et de la pensée combinatoire pour que les enfants accèdent à une pleine notion de hasard alors liée à l'acquisition de la notion de probabilité (et à ce que celle-ci implique de la notion de proportionnalité).

Enfin, dans la dernière section de ces conclusions, Piaget généralise la démonstration empirique du lien de dépendance existant chez l’enfant entre la maîtrise du hasard et le développement des opérations en l’appliquant au problème de la signification de la notion d’indétermination qui est au coeur de la microphysique. Il y traite aussi la question de l’opposition entre, d’un côté, l’irréversibilité d’un mélange physique composé d’un très grand nombre d’éléments et, de l’autre côté, la réversibilité toujours mathématiquement possible d’un retour au point de départ du même mélange lorsque la totalité des combinaisons possibles, y compris celles physiquement extrêmement peu probables, est prise en considération. Ce qui est mathématiquement possible, comme le réchauffement d’un corps sans apport d’énergie extérieur, est physiquement extrêmement improbable, d’où le caractère inéluctable du refroidissement de ce corps qu’exprime le principe de Carnot-Clausius en thermodynamique. On mesure ici tout l’intérêt épistémologique de l’étude de la genèse de l’idée de hasard chez l’enfant.

1952.
Essai sur les transformations des opérations logiques.
 Avant-Propos
Texte PDF mis à disposition le 07.10.2009

1952.
Essai sur les transformations des opérations logiques.
 Introduction
Texte PDF mis à disposition le 07.10.2009

1952.
Essai sur les transformations des opérations logiques.
 Chap.1: La réduction des opérations ternaires aux opérations binaires et l'inversion des opérations composantes
Texte PDF mis à disposition le 22.10.2009
 - Présentation
L'ouvrage dont ce chapitre est extrait est une analyse logique (ou logistique) de l'ensemble des structures d'opérations de transformations (groupes) et de mises en relation (réseaux) possibles des opérations de la logique propositionnelle ternaire (reliant de toutes les manières possibles 3 propositions qui composent le raisonnement logique — dont le raisonnement logique élémentaire dans lequel une proposition sert de moyen terme aux deux autres que sont la prémisse et la conclusion).

Note d'édition:
Vue la complexité de la mise en page et des formules algébriques utilisées dans ce chapitre par Piaget, nous renonçons à l'éditer au moyen d'un logiciel de reconnaissance et nous contentons de le livrer tel quel à nos visiteurs.

1952.
Essai sur les transformations des opérations logiques.
 Chap.2: Le groupe des quatre transformations appliqué aux 256 opérations ternaires
Texte PDF mis à disposition le 29.10.2009
 - Présentation
L'ouvrage dont ce chapitre est extrait est une analyse logique (ou logistique) de l'ensemble des structures d'opérations de transformations (groupes) et de mises en relation (réseaux) possibles des opérations de la logique propositionnelle ternaire (reliant de toutes les manières possibles 3 propositions qui composent le raisonnement logique — dont le raisonnement logique élémentaire dans lequel une proposition sert de moyen terme aux deux autres que sont la prémisse et la conclusion).

Note d'édition:
Vue la complexité de la mise en page et des formules algébriques utilisées dans ce chapitre par Piaget, nous renonçons à l'éditer au moyen d'un logiciel de reconnaissance et nous contentons de le livrer tel quel à nos visiteurs.

1952.
Essai sur les transformations des opérations logiques.
 Chap.3: Les transformations hétérologues par négations, réciprocités ou corrélativités
Texte PDF mis à disposition le 29.10.2009
 - Présentation
L'ouvrage dont ce chapitre est extrait est une analyse logique (ou logistique) de l'ensemble des structures d'opérations de transformations (groupes) et de mises en relation (réseaux) possibles des opérations de la logique propositionnelle ternaire (reliant de toutes les manières possibles 3 propositions qui composent le raisonnement logique — dont le raisonnement logique élémentaire dans lequel une proposition sert de moyen terme aux deux autres que sont la prémisse et la conclusion).

Note d'édition:
Vue la complexité de la mise en page et des formules algébriques utilisées dans ce chapitre par Piaget, nous renonçons à l'éditer au moyen d'un logiciel de reconnaissance et nous contentons de le livrer tel quel à nos visiteurs.

1952.
Essai sur les transformations des opérations logiques.
Chap.4: Les transformations hétérologues par permutations
Texte PDF mis à disposition le 06.11.2009
 - Présentation
L'ouvrage dont ce chapitre est extrait est une analyse logique (ou logistique) de l'ensemble des structures d'opérations de transformations (groupes) et de mises en relation (réseaux) possibles des opérations de la logique propositionnelle ternaire (reliant de toutes les manières possibles 3 propositions qui composent le raisonnement logique — dont le raisonnement logique élémentaire dans lequel une proposition sert de moyen terme aux deux autres que sont la prémisse et la conclusion).

Note d'édition:
Vue la complexité de la mise en page et des formules algébriques utilisées dans ce chapitre par Piaget, nous renonçons à l'éditer au moyen d'un logiciel de reconnaissance et nous contentons de le livrer tel quel à nos visiteurs.

1952.
Essai sur les transformations des opérations logiques.
Chap.5: Les familles d'opérations
Texte PDF mis à disposition le 15.11.2009
 - Présentation
L'ouvrage dont ce chapitre est extrait est une analyse logique (ou logistique) de l'ensemble des structures d'opérations de transformations (groupes) et de mises en relation (réseaux) possibles des opérations de la logique propositionnelle ternaire (reliant de toutes les manières possibles 3 propositions qui composent le raisonnement logique — dont le raisonnement logique élémentaire dans lequel une proposition sert de moyen terme aux deux autres que sont la prémisse et la conclusion).

Note d'édition:
Vue la complexité de la mise en page et des formules algébriques utilisées dans ce chapitre par Piaget, nous renonçons à l'éditer au moyen d'un logiciel de reconnaissance et nous contentons de le livrer tel quel à nos visiteurs.

1952.
Essai sur les transformations des opérations logiques.
Chap.6: La transformation des familles les unes dans les autres
Texte PDF mis à disposition le 21.11.2009
 - Présentation
L'ouvrage dont ce chapitre est extrait est une analyse logique (ou logistique) de l'ensemble des structures d'opérations de transformations (groupes) et de mises en relation (réseaux) possibles des opérations de la logique propositionnelle ternaire (reliant de toutes les manières possibles 3 propositions qui composent le raisonnement logique — dont le raisonnement logique élémentaire dans lequel une proposition sert de moyen terme aux deux autres que sont la prémisse et la conclusion).

Note d'édition:
Vue la complexité de la mise en page et des formules algébriques utilisées dans ce chapitre par Piaget, nous renonçons à l'éditer au moyen d'un logiciel de reconnaissance et nous contentons de le livrer tel quel à nos visiteurs.

1952.
Essai sur les transformations des opérations logiques.
Chap.7: Le système unique de transformation
Texte PDF mis à disposition le 28.11.2009
 - Présentation
L'ouvrage dont ce chapitre est extrait est une analyse logique (ou logistique) de l'ensemble des structures d'opérations de transformations (groupes) et de mises en relation (réseaux) possibles des opérations de la logique propositionnelle ternaire (reliant de toutes les manières possibles 3 propositions qui composent le raisonnement logique — dont le raisonnement logique élémentaire dans lequel une proposition sert de moyen terme aux deux autres que sont la prémisse et la conclusion).

Note d'édition:
Vue la complexité de la mise en page et des formules algébriques utilisées dans ce chapitre par Piaget, nous renonçons à l'éditer au moyen d'un logiciel de reconnaissance et nous contentons de le livrer tel quel à nos visiteurs.

1952.
Essai sur les transformations des opérations logiques.
Chap.8: La nature du système des opérations bivalentes: groupe, lattice ou groupement
Texte PDF mis à disposition le 06.12.2009
 - Présentation
L'ouvrage dont ce chapitre est extrait est une analyse logique (ou logistique) de l'ensemble des structures d'opérations de transformations (groupes) et de mises en relation (réseaux) possibles des opérations de la logique propositionnelle ternaire (reliant de toutes les manières possibles 3 propositions qui composent le raisonnement logique — dont le raisonnement logique élémentaire dans lequel une proposition sert de moyen terme aux deux autres que sont la prémisse et la conclusion).

Note d'édition:
Vue la complexité de la mise en page et des formules algébriques utilisées dans ce chapitre par Piaget, nous renonçons à l'éditer au moyen d'un logiciel de reconnaissance et nous contentons de le livrer tel quel à nos visiteurs.

1952.
Essai sur les transformations des opérations logiques.
Appendices et table des symboles
Texte PDF mis à disposition le 06.12.2009
 - Présentation
L'ouvrage dont ce chapitre est extrait est une analyse logique (ou logistique) de l'ensemble des structures d'opérations de transformations (groupes) et de mises en relation (réseaux) possibles des opérations de la logique propositionnelle ternaire (reliant de toutes les manières possibles 3 propositions qui composent le raisonnement logique — dont le raisonnement logique élémentaire dans lequel une proposition sert de moyen terme aux deux autres que sont la prémisse et la conclusion).

Note d'édition:
Vue la complexité de la mise en page et des formules algébriques utilisées dans ce chapitre par Piaget, nous renonçons à l'éditer au moyen d'un logiciel de reconnaissance et nous contentons de le livrer tel quel à nos visiteurs.

1955 avec Bärbel Inhelder.
De la logique de l'enfant à la logique de l'adolescent
Avant-Propos
Texte PDF mis à disposition le 27.03.2010

1955 avec Bärbel Inhelder.
De la logique de l'enfant à la logique de l'adolescent
… Chapitre 4: Les oscillations du pendule et les opérations d'exclusion
Texte PDF mis à disposition le 23.06.2008
 - Présentation
Ce chapitre montre comment les adolescents parviennent, après exclusion du rôle du poids, à trouver par dissociation des facteurs lequel de l'inclinaison, de la distance ou de la hauteur explique la longueur d'un saut effectué par une bille après sa descente sur un tremplin plus ou moins incliné.

Nous remercions Sébastien Walsh, étudiant au Ph.D. Psychologie sous la direction du professeur Stéphan Desrochers (université Laval, Québec) pour sa précieuse collaboration à la préparation de la version électronique de ce texte.

1955 , avec Bärbel Inhelder.
De la logique de l'enfant à la logique de l'adolescent
… Chapitre 5: La chute des corps sur un plan incliné et les opérations de disjonction
Texte PDF mis à disposition le 21.01.2009
 - Présentation
L’expérience examinée dans ce chapitre complète en un sens une autre que Piaget avait exposée en 1927 dans la dernière section du chapitre 4 de son ouvrage sur «La causalité physique chez l’enfant» (JP27). Cette dernière section concernait l’explication de la chute des corps (et de l’absence de chute des corps célestes); une situation y était décrite dans laquelle était demandé aux enfants d’anticiper la vitesse de chute de deux corps placés sur un plan incliné, l’un des deux corps étant plus lourd que l’autre. Le but était alors de vérifier certaines propriétés que les enfants entre 7 et 10 ans attribuent spontanément au poids dans la chute des corps (le poids étant considéré chez bon nombre de ces enfants comme une force interne qui pousse le corps vers le bas, ou au contraire lui permet de résister à une chute).

Au début des années cinquante, Inhelder et ses collaborateurs reprennent cette expérience dans leur étude sur le développement des «attitudes expérimentales» chez les enfants et les adolescents, et plus particulièrement sur leur capacité à découvrir la méthode de dissociation des facteurs permettant de dégager celui ou ceux d’entre eux expliquant un phénomène physique, et dans le cas particulier le ou les facteurs qui expliquent les distances à laquelle parviennent des corps lancés sur un plan incliné.

Si lors des premières étapes, les réponses données par les enfants sont conformes à ce qui avait été observé par Piaget en 1927 (l’élan plus ou moins grand projetant les corps à une plus ou moins grande distance du plan incliné, et donc cette plus ou moins grande distance sont expliqués par le poids plus ou moins grand des objets utilisés dans l’expérience), les dernières étapes révèlent les compétences logiques nécessaires pour mettre spontanément en oeuvre le procédé de dissociation des facteurs prouvant que ce ne sont ni le poids des corps lâchés sur le plan incliné, ni même l’inclinaison et la longueur de ce plan qui rendent compte des faits observés, mais la hauteur à partir de laquelle ces corps sont lâchés.

Les derniers paragraphes de ce chapitre sur «La chute des corps sur un plan incliné», contiennent la modélisation logique des raisonnements plus ou moins explicites qui rendent compte de l’usage de la méthode de dissociation des facteurs chez les adolescents réussissant à découvrir ce rôle de la hauteur dans la distance de parcours d’un projectile, ainsi que des raisonnements qui sont utilisés par les adolescents pour justifier ce rôle de la hauteur. Cette modélisation logique complète l’analyse psychologique des réponses des sujets en révélant le rôle de la hauteur en tant qu’invariant d’un groupe INRC de transformations possibles composé des actions d’agrandissement de la longueur du plan incliné et des actions d’agrandissement de l’angle de ce même plan, l’agrandissement de l’une ou l’autre de ces dimensions en jeu pouvant être compensé par la diminution proportionnée de l’autre dimension, de sorte à laisser inchangée la hauteur de chute du projectile placé sur le plan incliné et d’atteindre ainsi une même distance de parcours du projectile.

1955 avec Bärbel Inhelder.
De la logique de l'enfant à la logique de l'adolescent
… Chapitre 8: La conservation du mouvement dans le plan horizontal
Texte PDF mis à disposition le 08.07.2008
 - Présentation
Ce chapitre expose les résultats d'une recherche conduite par Bärbel Inhelder et montrant comment les adolescents en arrivent non plus à rechercher – comme le font les enfants – l'explication de la continuation du mouvement d'un corps, mais au contraire à fournir des explications à son arrêt; il montre donc comment ils parviennent par pur raisonnement sur des expériences physiquement non réalisables, à concevoir la conservation du mouvement (en d'autres termes, le principe d'inertie).

Nous remercions Sébastien Walsh, étudiant au Ph.D. Psychologie sous la direction du professeur Stéphan Desrochers (université Laval, Québec) pour sa précieuse collaboration à la préparation de la version électronique de ce texte.

1955 avec Bärbel Inhelder.
De la logique de l'enfant à la logique de l'adolescent
… Chapitre 11: L'équilibre de la balance
Texte PDF mis à disposition le 26.02.2012
 - Présentation
[Texte de présentation: version du 10 novembre 2011.]

Ce chapitre rapporte les résultats d’une recherche psychogénétique dans lequel il est demandé aux sujets interrogés d’agir sur deux objets suspendus aux deux bras d’une balance à fléau (augmenter ou diminuer leurs poids respectifs, ou leurs distances respectives) pour faire en sorte que le fléau devienne horizontal (et donc que la hauteur des deux objets suspendus soit la même par rapport au socle de la balance).

Les résultats recueillis auprès des enfants et des adolescents interrogés révèlent que la réussite complète à cette situation-problème, et donc la maîtrise et une compréhension suffisante des rapports de proportionnalité aussi bien logiques que métriques entre poids, distances et hauteurs des deux objets suspendus est conditionnée par l’acquisition du groupe INRC composé d’opérations au second degré portant, en les combinant, sur les opérations additives et multiplicatives concrètes portant sur les trois facteurs de poids, de distance et de hauteur.

1955 avec Bärbel Inhelder.
De la logique de l'enfant à la logique de l'adolescent
… Chapitre 15: Les dispersions probables et les corrélations
Texte PDF mis à disposition le 08.07.2008
 - Présentation
Ce chapitre contient deux sections. Dans la première, les auteurs examinent comment les enfants et les adolescents s'y prennent pour découvrir, à travers la dispersion des résultats dans deux situations expérimentales (mouvement des projectiles et pression des liquides), quelles sont les facteurs susceptibles d'expliquer ces résultats. Ce que mettent implicitement en jeu les adolescents dans leurs réponses est la méthode d'analyse des correspondances ou des corrélations.

La deuxième section porte en conséquence directement sur cette capacité d'analyse des corrélations constatée dans ce que Inhelder appelait ailleurs les attitudes expérimentales des adolescents (BI54). Les enfants et les adolescents sont mis en présence de différents quadruples de nombres comptabilisant la présence ou l'absence simultanée de deux couleurs des yeux et de deux couleurs des cheveux. Seuls réussiront les adolescents capables de comprendre que la correspondance entre les traits de couleurs de yeux et de cheveux ne peut être démontrée qu'en tenant compte non seulement de la fréquence de la présence simultanée d'une couleur d'yeux et d'une couleur de cheveux, mais également de celle de leur absence simultanée.

Nous remercions Sébastien Walsh, étudiant au Ph.D. Psychologie sous la direction du professeur Stephan Desrochers (université Laval, Québec) pour sa précieuse collaboration à la préparation de la version électronique de ce texte.

1955 avec Bärbel Inhelder.
De la logique de l'enfant à la logique de l'adolescent
… Chapitre 18: La pensée de l'adolescent
Texte PDF mis à disposition le 06.08.2010
 - Présentation
(Texte de présentation; version datée du 5 août 2010.)

Ce chapitre de conclusion d’une quinzaine de pages est l’un des plus impressionnants efforts de présentation synthétique des traits généraux caractéristiques des conduites et de la pensée de l’adolescent de nos sociétés (insertion de l’individu dans la société des adultes, transformations de l’affectivité avec, par exemple, apparition de sentiments sociaux relatifs non plus seulement à des personnes, mais à des idéaux, à des groupes sociaux, à la patrie, etc., construction de théories politiques ou sociales, adhésion aux idées ou au programme d’un groupe social, spéculation philosophique, construction de visions du monde, volonté de changer ce dernier, construction d’un idéal ou d’un programme de vie, formation d’une personnalité et d’un rôle social en lien avec la construction d’une échelle de valeurs, mais aussi nouvelle forme d’égocentrisme que dépassera la décentration propre au devenir adulte et à la reconnaissances de la multiplicité des perspectives, etc.). Ce chapitre montre en outre comment ces traits caractéristiques de l'adolescence sont conditionnés plus ou moins directement par le primat du possible sur le réel propre à la pensée formelle, et par l’acquisition des structures opératoires qui la sous-tendent et qui ont été mises en évidence dans les chapitres antérieurs, à travers l’examen de la «pensée expérimentale d’adolescents aux prises avec des dispositifs les poussant simultanément à l’action et à la réflexion». On y trouvera également des considérations importantes sur les déterminants 1. biologiques (puberté, maturation du système nerveux et transformation des structures cérébrales qui ouvrent un nouvel espace de possibilités mentales), 2. sociologiques, culturels et éducatifs, ainsi que 3. psychologiques (« ensemble des expériences et des exercices faits par l’individu pour s’adapter simultanément au monde physique et social ») qui conditionnent l’acquisition de ces structures.

1957.
Les liaisons analytiques et synthétiques dans les comportements du sujet
. Avant-propos et Chapitre 1 (= Introduction)
Texte PDF mis à disposition le 26.05.2008
 - Présentation
Piaget évoque dans son avant-propos et cette introduction la controverse qui, au sein de la philosophie analytique américaine, opposait alors (1) des auteurs qui, comme Carnap, identifient tous les énoncés logiques et mathématiques à des énoncés analytiques dont la vérité repose entièrement sur la vérité de leurs termes elle-même conçue comme n'ayant aucun rapport avec des faits expérimentaux et les énoncés synthétiques qui les expriment, et (2) des auteurs qui, à l'image de Quine, ne croient pas à une coupure absolue entre les énoncés analytiques et les énoncés synthétiques.

En prenant appui sur ses propres travaux sur la genèse de la pensée logico-mathématiques, Piaget propose de reconsidérer et redéfinir le problème du rapport entre l'analytique (le déductif) et le synthétique (le constatif) en ne l'identifiant pas d'emblée au problème du rapport entre le logico-mathématique et le physique. En remontant du plan de la pensée verbale à celui de la pensée concrète, et de celle-ci au plan de l'action et des coordinations d'action qui en constitue le fondement naturel, les recherches de psychologie sur la genèse de connaissances logico-mathématique et celle des connaissances physiques sont susceptibles d'aboutir non plus à une identification de ces deux rapports, mais à une coordination qui n'est pas sans rappeler l'ancienne distinction et coordination proposée par Kant entre le couple a priori / a posteriori le couple analytique / synthétique. Mais, comme on le verra, en reformulant à partir du paradigme offert par l'épistémologie génétique le problème du rapport entre l'analytique et le synthétique, Piaget jettera en retour, avec l'aide de ses collaborateurs, un nouveau regard sur les faits découverts par la psychologie génétique – nouveau regard reposant sur une série de définitions que les auteurs de cet ouvrage donneront des notions d'analytique et de synthétique de manière à les généraliser à l'étude non seulement de la pensée verbale, mais aussi à celle de la pensée concrète et au plan des actions ou des comportements qui la sous-tendent.

1957 (avec la collaboration de L. Apostel).
Les liaisons analytiques et synthétiques dans les comportements du sujet
. Chapitre II: Expérience sur la classification d'énoncés isolés
Texte PDF mis à disposition le 12.06.2008
 - Présentation
L'expérience de classification d'énoncés exposée dans ce chapitre a été conçue par W. Mays et L. Apostel, tous deux logiciens, et le second s'inscrivant dans la filiation du positivisme ou de l'empirisme logique. En demandant à des adultes non-spécialistes de classer – dans différentes conditions: classification spontanée, classification fondées sur des critères donnés, etc. – des énoncés considérés comme analytiques, comme synthétiques ou comme ambigus par les logiciens du CIEG, l'espoir était de trouver dans les faits recueillis de quoi valider l'une des thèses en présence concernant les liens pouvant exister entre l'analytique et le synthétique. La recherche a mis en évidence quelques faits intéressants, mais sans que ceux-ci suffisent à résoudre les problèmes de fond, faute d'éclairer les mécanismes en jeu dans l'acquisition des vérités mathématiques (identifiées à l'analytique par le positivisme logique) et des vérités physiques (identifiées au synthétique par le même positivisme logique). Les faits les plus révélateurs sont d'ailleurs l'incapacité des adultes interrogés à prendre conscience "du fonctionnement des mécanismes inférentiels dont ils se servent" au cours même de leurs échanges avec le psychologue qui les interrogent (p. 36), ainsi que, en conséquence, leur tendance à privilégier le rôle accordé à l'expérience dans la vérification des énoncés qui leur sont proposés.

1957 (avec la collaboration de L. Apostel).
Les liaisons analytiques et synthétiques dans les comportements du sujet
. Chapitre III: Transposition du problème de l'analytique en termes génétiques
Texte PDF mis à disposition le 16.06.2008
 - Présentation
L'enquête psychologique sur la classification par des adultes de toute une série d'énoncés dans le but de résoudre le problème des rapports entre l'analytique et de le synthétique ayant échoué en raison des limites de la prise de conscience, chez l'adulte, des mécanismes internes producteurs des jugements (voir à ce sujet le chapitre II), Piaget et ses collaborateurs proposent de reformuler ce problème de manière à tenir compte des informations que livrent l'étude psychogénétique de l'acquisition des connaissances logico-mathématiques chez l'enfant et l'étude de leurs origines dans les coordinations d'actions propres à l'intelligence sensori-motrice et pratique.

Cependant, cette reformulation implique de ne pas réserver les notions d'analytique et de synthétique au seul domaine des énoncés, comme le fait l'empirisme logique; il s'agit de les étendre au domaine des actions matérielles et des opérations mentales, en permettant par exemple de s'interroger sur l'analyticité ou la logicité d'une action et non pas seulement sur celle d'un énoncé.

Avant de présenter dans les chapitres 4 et 5 d'anciens et de nouveaux faits sur la genèse de la pensée logico-mathématique et en particulier du nombre chez l'enfant dans l'intention d'esquisser de possibles solutions au problème épistémologique des rapports entre l'analytique et le synthétique, les auteurs, et en tout premier lieu Piaget et Apostel, examinent ici le sens que peuvent prendre ces deux notions, ainsi que d'autres qui s'y rattachent, lorsqu'on les applique non plus aux seuls énoncés, mais aussi aux actions, coordinations d'actions et opérations mises en lumière par la psychologie génétique. Ce qui les conduit à proposer toute une série de définitions des notions d'analytique, de synthétique, de proposition, de vrai, de faux, de croyance, de constatation, d'inférence, etc. qui permettront de les appliquer dans la suite aux conduites observées aux différentes étapes du développement cognitif de l'enfant et de conclure de manière originale à la question qui fait débat dans cet ouvrage comme en philosophie analytique. Par ailleurs, et dans le souci de se faire comprendre, les auteurs prennent le soin de redéfinir les deux notions clés de la psychologie génétique qui sont en jeu dans cet ouvrage, à savoir les notions d'action et de schème, en leur donnant un sens qui les rapproche des notions utilisées en philosophie analytique ou en philosophie de la logique (le schème est notamment rapproché de la notion de structure au sens de Russell et Whitehead, c'est-à-dire de "l'ensemble des propriétés et relations communes aux systèmes isomorphes"). Ce faisant, ces notions, et plus particulièrement celle de schème, tend à perdre ici le statut englobant d'organe qu'il possède dans des ouvrages tels que La naissance de l'intelligence chez l'enfant (JP36).

Ainsi la lecture de ce chapitre de définitions peut-elle conduire à penser que ce qui se passe est une assimilation par Piaget de la problématique de l'analytique et du synthétique (alors discutée au sein du positivisme logique) à son propre cadre, mais une assimilation qui ne va pas sans l'effort inverse d'adopter, au moins ici, la démarche du positivisme logique, dans laquelle les clarifications discursives jouent un rôle essentiel. Pour s'en tenir au seul travail d'assimilation, on peut difficilement ne pas remarquer, à la lecture de la conclusion de ce chapitre, que le problème central posé dans cet ouvrage redevient, au-delà des relations entre l'analytique et le synthétique, celui des rapports entre le logico-mathématique et le physique, ainsi que, si le logico-mathématique n'est pas issu du physique, le problème de savoir si celui-là trouve sa source dans les coordinations d'action (qui comportent une logique) ou au contraire dans les interactions sociales (comme tend à le penser l'empirisme logique, non seulement en identifiant entre eux l'analytique et le logico-mathématique, mais en les réduisant tous deux à un langage, purement et simplement). On est bien là sur le terrain de la psychologie et de l'épistémologie génétiques, terrain sur lequel Piaget cherche à attirer les philosophes de la mouvance analytique et qu'il identifie au courant dominant la philosophie contemporaine des sciences qu'il désigne parfois comme sa "tête de turc" () en épistémologie.

1957 (avec la collaboration de L. Apostel).
Les liaisons analytiques et synthétiques dans les comportements du sujet
. Chapitre IV: Premier exemple d'ordre génétique : l'égalité d'une collection B et de la réunion de deux sous-collections complémentaires A et A'
Texte PDF mis à disposition le 04.07.2008
 - Présentation
L'examen très fin de la progression des conduites exposée dans ce chapitre (voir par exemple, pp. 102-103, le passage qui aboutit à la différenciation du nombre oral et du nombre opératoire) confirme la prise en considération, chez Piaget, de différentes notions de nombre: empirique (= numérosité, déjà présente au niveau de l'intelligence sensori-motrice), oral (proche de ce que Pierre Gréco appellera la "quotité"), opératoire enfin, avec sa double dimension cardinale et ordinale), seul le dernier étant un nombre au sens le plus exigeant du terme, c'est-à-dire au sens qu'il prend en arithmétique élémentaire.

Le même examen montre que, contrairement à ce qui a souvent été dit, JP a une vision qui n'est nullement négative ou par seule lacune du préopératoire; s'appuyant sur cet examen, il en conclut (par ex. p. 106) que les réponses d'égalité numérique par "correspondance optique" comporte une dimension analytique, c'est-à-dire repose sur la coordination des mises en correspondance qui interviennent à ce niveau (contrairement à ce qui se passe chez des enfants du niveau précédent…)

1957 (avec la collaboration de A. Morf).
Les liaisons analytiques et synthétiques dans les comportements du sujet
. Chapitre V: Deuxième exemple génétique: le double partage
Texte PDF mis à disposition le 20.07.2008

1957.
Les liaisons analytiques et synthétiques dans les comportements du sujet
 Chapitre VI: Conclusions: Les points d'accord et de désaccord entre les auteurs
Texte PDF mis à disposition le 20.07.2008

1964.
La pensée du jeune enfant
Texte PDF mis à disposition le 26.12.2010
 - Présentation
[Texte de présentation; version du 20 décembre 2010]

En plus d'un très bref résumé des recherches sur la genèse du nombre ainsi que sur la notion de temps chez l'enfant, ce texte d'une dizaine de pages d'une conférence donnée en 1963 à l'Institute of Education de Londres souligne la portée épistémologique de ces recherches psychologiques. Il mentionne en outre la rencontre de 1928 de Piaget avec Einstein, ainsi que de la présence du philosophe et logicien W. V. Quine lors de l'un des symposia du CIEG sur la genèse du nombre organisé au début des années 1960 (nous n'avons pas retrouvé l'année exacte).

(Quine et Piaget s'étaient déjà rencontré auparavant, une première fois à Harvard vers 1936, et une deuxième fois en 1960, à l'occasion d'une conférence sur l'épistémologie génétique du nombre donnée par Piaget dans la même université. Cf. "Quine in dialogue", Harvard Univ Press, 2008, dans lequel l'auteur introduit la conférence de 1960 de Piaget et mentionne sa rencontre avec lui "24 ans auparavant…" )

1964.
Problèmes de psychologie génétique
Texte PDF mis à disposition le 20.06.2011
 - Présentation
[Texte de présentation — Version révisée le 20 juin 2011.]

Ce document contient le texte original français d'un article initialement paru en russe en 1956, dans la revue Voprossi Psykhologuii puis publié pour la première fois en 1964 dans les Six études de psychologie (pp. 132-163). Piaget y expose les principes et finalités de sa méthode psychogénétique, et l’on y trouve une image assez complète de l’état d’avancement de ses travaux et conceptions du développement cognitif des enfants et adolescents, ainsi qu’un résumé de ses recherches sur le développement de la perception. En plus d'une présentation des quatre grandes étapes du développement cognitif (1. le sensori-moteur, 2. l'étape de la pensée symbolique puis préopératoire, 3. la pensée opératoire concrète et 4. la pensée opératoire formelle), Piaget discute l’apport respectif des quatre grands facteurs explicatifs de ce développement (et donc de la construction des structures opératoires propres à la pensée logico-mathématique) que sont 1. la maturation, 2. l’expérience acquise au travers des interactions avec l’objet, 3. l’apport de la transmission et surtout des interactions sociales, et enfin 4. le processus d’équilibration (dont la modélisation au moyen d'un calcul "fondé sur des considérations probabilistes" explique la réversibilité croissante de la pensée).

Ce texte ayant vraisemblablement été rédigé en lien avec une visite faite aux psychologues soviétiques en 1956 (donc la même année que sa publication en russe), on ne s’étonnera pas d’y trouver, dans les dernières lignes, une référence à K. Marx, qui concevait déjà la sensibilité perceptive comme une «activité pratique des sens de l’homme», ce que confirment les recherches de Piaget sur les illusions perceptives primaires dont l’explication réside dans la distribution statistique des micro-centrations perceptives, donc dans une activité du sujet dont celui-ci n'a pas conscience.

Pour la même raison, on ne s’étonnera également pas non plus d’y découvrir, cette fois en première partie de l’écrit, une discussion du problème de l’inné (transmissible par hérédité biologique) et de l’(individuellement) acquis, discussion dans laquelle Piaget expose sa conviction en partie lamarckienne de l’hérédité de l’acquis, qu’il explique par «une action du milieu sur le mécanisme réflexe et la morphogenèse» (conviction qui devait satisfaire ses pairs soviétiques, qui eux aussi défendaient la thèse de l’hérédité de l’acquis, initialement formulée par Lamarck), et s’opposaient avec force à la thèse darwinienne de la sélection des « plus forts », c’est-à-dire des individus que des variations aléatoires du patrimoine génétique favorisaient face aux caractéristiques du milieu dans lequel ils vivaient). On découvrira également dans cette première partie une prise de position quant au rôle de la maturation du système nerveux sur le développement cognitif, et en particulier de la pensée logico-mathématique, des enfants et adolescents.

Notons cependant que quelques dix ans plus tard (dans JP67a, Piaget sera un peu plus nuancé dans ses prises de position quant à ce problème des rapports entre l’inné et l’acquis, en admettant que l’action du milieu sur le patrimoine héréditaire (le germen) peut se faire soit (1), par des mécanismes régulateurs encore peu connus (comme il le soutenait au cours de ses anciennes prises de position, dont celle de 1956), au cours de la morphogenèse même de chaque individu cherchant à s’adapter à de nouvelles caractéristiques du milieu, soit (2) au niveau de la plus lente transformation de la population globale d’individus d’une même espèce (lente transformation par variations certes toujours aléatoires mais aboutissant à favoriser certaines sous-populations de cette population dont le matériel héréditaire est statistiquement plus aptes à permettre aux morphogenèses des individus qui les composent à s’ajuster à de nouvelles caractéristiques contraignantes des milieux dans lesquelles ils vivent). Tout en continuant à privilégier la première alternative, plus proche des idées lamarckiennes, Piaget n’en admettra pas moins alors (mais non sans de sérieuses réserves) qu’une explication plus proche de l’explication darwinienne peut possiblement rendre compte de cette hérédité de l’acquis qui, initialement, ne s’expliquait à ses yeux que par une action directe des caractéristiques du milieu sur le matériel héréditaire.

1965/69.
Éducation et instruction depuis 1935
Texte PDF mis à disposition le 07.01.2013

1966 et B. Inhelder .
L’image mentale chez l’enfant.
Chap. X: Conclusions générales
Texte PDF mis à disposition le 17.11.2016

1967.
Biologie et connaissance. Avant-propos et Chapitre I: Position du problème
Texte PDF mis à disposition le 15.07.2011
 - Présentation
[Texte de présentation — version du 27 juin 2011.]

Après avoir exposé, dans un bref avant-propos, le sens général de cet ouvrage, son plan ainsi que le rapport de son auteur avec la biologie, Piaget présente, dans le premier chapitre de son livre, les problèmes centraux qui y seront traités, dont celui des rapports entre les processus de régulation biologiques (tout particulièrement ceux qui concernent le système génétique et ses transformations) et les processus de régulation cognitive. La thèse majeure défendue ici est celle d’une continuité entre les processus biologiques et les processus cognitifs (cette continuité s’accompagnant d’importantes différences entre ces deux niveaux de régulation qui seront examinées dans le chapitre de conclusion). A noter que, dans les années 1950 et 1960, Piaget est probablement en avance sur l’évolution du courant dominant la biologie néo-darwinienne en ce qu’il soutient, avec Waddington, que le développement embryogénique est loin d’être complètement préprogrammé dans le génome, et qu’il y a donc une construction épigénétique qui joue un rôle non négligeable dans l’évolution des espèces.

Autre thème important annoncé dans ce chapitre d’introduction: l’existence d’une communauté de problèmes entre l’évolution biologique et l’évolution cognitive, dont, par exemple, le problème de savoir si les formes biologiques ou les formes cognitives sont préformées, ou celui du caractère séquentiel ou non de la suite de stades franchis en embryogenèse biologique ou en psychogenèse cognitive, ou encore celui de l’accélération possible de passage d’un stade à l’autre, etc., ou enfin celui des relations entre les processus homothétiques qui régulent le développement et les processus homéostatiques qui régulent l’équilibre final.

Enfin, Piaget développe dans ce chapitre son hypothèse selon laquelle les régulations cognitives aboutissant aux opérations logico-mathématiques sont le prolongement des autorégulations morphogénétiques (sans organe spécialisé de régulation) se prolongeant en régulations simultanément structurales et fonctionnelles et qui aboutissent enfin à des régulations purement fonctionnelles (non génératrices de modifications anatomiques).

1967.
Biologie et connaissance. Chapitre II: Les méthodes d'approche et de contrôle.
Texte PDF mis à disposition le 18.09.2011
 - Présentation
[Texte de présentation — version du 27 juin 2011.]

JP présente dans ce chapitre les méthodes par lesquelles il va mettre à l’épreuve son hypothèse.

1ère exigence: éviter tout réductionnisme et plus précisément la réduction du supérieur à l’inférieur (par exemple la réduction de la pensée au cerveau) ou l’inverse (exemple: évoquer un mécanisme intelligent pour expliquer la genèse des espèces, comme le faisait le biologiste Cuénot en 1941 encore). Donc, dans la comparaison entre régulations organiques et régulations cognitives, il conviendra de ne pas prêter aux premières des propriétés qui ne valent que pour les secondes, ni l’inverse. Le choix méthodologique qui s’impose sur ce plan est celui du parallélisme entre les processus causaux et les processus conscients.

2e exigence: ne pouvant être expérimentale, l’étude d’épistémologie présentée dans Biologie et connaissance se doit cependant de recourir à des méthodes qui l’éloignent de la pure spéculation. Ces méthodes sont:
(1) la comparaison systématique des problèmes cognitifs et des problèmes biologiques généraux pour dégager leur parenté (dans cet étude, ce seront les problèmes les plus généraux dont Piaget montrera qu’ils sont communs à la biologie, à la psychologie du développement de l’intelligence et à l’épistémologie scientifique (exemple de problème commun: celui, biologique, des rapports entre organisme et milieu, et celui, psychologique et épistémologique, des rapports entre le sujet et l’objet;
(2) l’examen des correspondance entre les fonctions de la connaissance et les fonctions vitales les plus générales;
(3) l’examen des isomorphismes structuraux partiels pouvant exister entre les phénomènes biologiques et cognitifs;
(4) l’utilisation de modèles cybernétiques abstraits dont l’usage dans l’explication des mécanismes cognitifs et des mécanismes biologiques mettrait en évidence des isomorphismes de structure partiels entre le biologique et le cognitif;
(5) l’étude épistémologue (au sens d’étude des conditions de possibilité, d’adéquation, condition préalable, etc.) des niveaux successifs d’évolution des fonctions cognitives, et ce dès le niveau de la biologie (ou de l’instinct);
(6) en prolongement de la première méthode, l’examen historique et la comparaison des théories biologiques de l’adaptation et de l’évolution (théories mises en lumière par l’épistémologie de la biologie) avec les théories psychologiques et épistémologiques de la connaissance également envisagées sous un angle historique, ce qui permettrait de mettre en évidence la convergence des grands cadres interprétatifs et les grandes solutions possibles envisagées sur le plan biologique d’un côté, et sur le plan psychologique et épistémologique de l’autre, ou encore de révéler l’existence d’opposition similaire entre des explications centrées sur l’organisme ou le sujet, versus des explications basées sur le milieu ou l’objet, ou encore donnant une place à l’évolution ou au contraire adoptant des explications préformantes;
enfin (7) la tentative d’appliquer les théories biologique aux faits psychogénétiques relatifs aux fonctions cognitives.

1967.
Biologie et connaissance. Chapitre III: Epistémologie de la connaissance biologique.
Texte PDF mis à disposition le 30.09.2011
 - Présentation
[Texte de présentation — version du 27 juin 2011.]

Ce chapitre expose les problèmes généraux (méthode I) ainsi que les grandes directions et concepts théoriques propres à la biologie et qui peuvent être comparés aux problèmes généraux et aux cadres d’interprétation théorique de la psychologie de l’intelligence ainsi que de l’épistémologie.

Deux dimensions sont considérées dans cette comparaison entre les problèmes, concepts et théories de la biologie d’un côté, des sciences du cognitif de l’autre: la dimension synchronique, et la dimension diachronique (elle-même subdivisée entre problèmes et concepts traitant de l’évolution de l’espèce et problèmes et concepts traitant du développement de l’individu).

Concernant la dimension diachronique, Piaget, tout en rapportant les nombreuses correspondances épistémologiques entre biologie et science de la cognition (ainsi le couple de solutions que composent le lamarckisme, en biologie, et l’empirisme associationnisme, en épistémologie et psychologie, ou, à l’opposé, le couple darwinisme, en biologie, et conventionnalisme en épistémologie, ou encore le couple préformisme en biologie et apriorisme en épistémologie), ne manque pas de souligner une différence importante entre celle-là et celles-ci: alors que la biologie traite de faits diachroniques qui concernent l’évolution phylogénétique des espèces et/ou le développement ontogénétique des organismes, sur le plan du cognitif, dès un degré avancé d’évolution des espèces animales, il s’ajoute un nouvelle dimension, à savoir l’accumulation et la transmission intergénérationnelle des apprentissages et des connaissances (d’où le concept de «pluriconstructivisme» (GC2008) proposé ultérieurement par G. Cellérier pour cerner la façon dont les mécanismes d’équilibration phylogénétique —évolution des espèces—, psychogénétique —développement de l’individu— et sociogénétique —évolution des sociétés— co-interviennent dans l’évolution et le développement des comportements et des connaissances). Il n’en reste pas moins qu’au fil de l’histoire de la biologie d’un côté, de la psychologie et de l’épistémologie de l’autre, on retrouve les mêmes grandes orientations ou choix explicatifs de l’évolution vivante et de l’évolution de l’intelligence et des connaissances, la plus récente des orientations étant celle par laquelle la biologie de l’évolution (Piaget cite ici plus grands biologistes qui ont révolutionné leur discipline au 20e siècle, dont Waddington, invité au CIEG dans la période de rédaction de Biologie et connaissance) comme la psychologie et l’épistémologie génétiques en viennent à concevoir les systèmes vivants aussi bien que cognitifs comme des totalités fonctionnelles et structurantes dont les relations internes et les échanges avec le milieu sont de nature cybernétique, donc des totalités entraînés dans un flux de transformations ou de réorganisations incessant mais qui présente par ailleurs une vection obéissant à des lois d’équilibration non seulement synchronique, mais également diachronique.

1967.
Biologie et connaissance. Chapitre IV: Les correspondances de fonctions et les isomorphismes partiels de structures entre l’organisme et le sujet de connaissance
Texte PDF mis à disposition le 12.10.2011
 - Présentation
[Texte de présentation: version du 10 sept. 2011.]

Dans ce chapitre, Piaget procède à un examen comparatif systématique non plus des problématiques et conceptions des biologistes, des psychologues et des épistémologistes, mais des caractéristiques fonctionnelles (plus ou moins générales) et structurales (de différents niveaux) propres, d'un côté, aux organismes biologiques, et de l'autre côté au sujet de connaissance. Réalisé moins dans une perspective épistémologique que dans une double perspective de biologiste et de psychologue, le but d'un tel examen comparatif est de discerner les correspondances, similitudes et différences entre le fonctionnement vital et le fonctionnement cognitif, ainsi que les liens de continuité ou de filiation entre les fonctions et structures biologiques et les fonctions et structures cognitives. Pour prendre un premier exemple, la fonction d'organisation cognitive que réalise le fonctionnement d'ensemble du système cognitif comme des sous-systèmes qui le composent, si elle prolonge la fonction organisatrice propre à tout organisme biologique (et notamment l'ouverture sur le milieu, ou encore les tendances à l'auto-conservation de chaque totalité biologique, mais également à la différenciation et à l'intégration des parties qui le composent), s'en distingue par sa capacité, à partir d'une certaine étape de son développement, d'atteindre une entière conservation des structures déjà construites dans de nouvelles structures qui en sont issues et qui les intègrent. Autre particularité de la fonction organisatrice des systèmes cognitifs: à un certain niveau de développement des structures cognitives qui en résultent, celles-ci deviennent complètement indépendantes des contenus qu'elles contribuent à organiser (comme le révèlent les rapports entre la pensée mathématique et la pensée physique, ou encore le passage des opérations concrètes aux opérations formelles).

Quant aux correspondances qui peuvent être faites entre les structures biologiques et les structures cognitives, l'une des illustrations les plus importantes présentées par Piaget est l'existence de quatre grands types de structures, les structures cycliques, les structures d'emboîtement, les structures d'ordre et les structures multiplicatives que l'on rencontre aussi bien dans le domaine biologique que dans le domaine cognitif (Piaget mentionne plusieurs exemples de l'existence de ces structures dans chacun de ces domaines).

L'étude comparative propre à ce chapitre porte également sur les mécanismes d'adaptation (assimilation x accommodation) et de régulation observés tant sur le plan du fonctionnement et des organisations biologiques que sur celui du fonctionnement des systèmes cognitifs, où, là encore, de profondes similitudes s'accompagnent d'importantes différences, et où l'existence de liens de continuité entre ces deux plans (et notamment la continuité entre l'assimilation physiologique et l'assimilation "relative aux actions") n'empêchent nullement l'apparition de caractéristiques spécifiques propres aux mécanismes d'adaptation et d'équilibration et régulation cognitives (par exemple, l'apparition de ces régulations parfaites que sont les opérations assurant la conservation durable des structures logico-mathématiques). Comparaison est également faite entre les mécanismes de conservation (ou mémoire) ainsi que d'anticipation rencontrés dans le domaine biologique d'un côté, et le domaine cognitif de l'autre.

En plus de montrer la continuité mais aussi le saut que manifeste ainsi le fonctionnement cognitif par rapport au fonctionnement vital (saut qui en particulier fait du premier une fonction spécialisée de régulation des interactions fonctionnelles des organismes avec leur milieu), ce chapitre offre à Piaget l'occasion de préciser ce qu'il entend par les différentes notions de fonction et de structure, ou encore de schème, d'assimilation ou d'accommodation, etc., qui toutes sont au centre de ses conceptions biologiques et psychologiques.

1967.
Biologie et connaissance. Chapitre V: L'épistémologie des niveaux élémentaires de comportement
Texte PDF mis à disposition le 30.10.2011
 - Présentation
[Texte de présentation: version du 15 sept. 2011.]

Alors que le chapitre précédent a analysé de manière très systématique les correspondances, similitudes et différences entre le fonctionnement général du vivant et du fonctionnement cognitif de l’autre (les deux considérés sous le triple angle des fonctions, des structures et des mécanismes qui les caractérisent), et que l’ensemble des résultats de cette analyse ne fait que suggérer l’existence de liens de continuité entre le fonctionnement vital et le fonctionnement cognitif, le chapitre cinq a pour finalité principale de procéder à l’examen épistémologique des niveaux de comportements élémentaires (c’est-à-dire les conduites réflexes et instinctives, la perception, les premiers comportements acquis, jusqu’à y compris l’intelligence sensori-motrice ou animale), un tel examen étant susceptible de révéler comment, à leur base, les fonctions et les structures cognitives s’enracinent toujours dans les fonctions et structures biologiques, qu’elles prolongent en les spécialisant au domaine des interactions comportementales des organismes avec leur milieu.

Avant d’examiner les savoir les plus élémentaires, c’est-à-dire les savoirs attachés aux comportements les plus élémentaires, et donc les savoir-faire, pour en déceler leurs «conditions de possibilité» (Piaget étend ici aux comportements élémentaires le type d’interrogation mis en oeuvre par Kant pour déceler les fondements des sciences mathématiques et physiques), Piaget se penche sur le système nerveux dans la mesure où celui-ci est un intermédiaire «devenu nécessaire» entre l’organisation vivante (parvenue à un certain niveau de son évolution) et la connaissance. Le système nerveux a une double fonction, la première de réguler le fonctionnement interne de tout l’organisme, et la seconde d’être l’instrument des échanges adaptatifs de celui-ci avec le milieu extérieur. C’est de par cette seconde fonction qu’il est amené à jouer un rôle d’intermédiaire entre l’organisation biologique interne, qu’il prolonge donc (de par sa fonction de régulateur interne), et l’adaptation au milieu extérieur. De par cette position d’intermédiaire, il «assure la transition entre l’assimilation physiologique» (qu’il contrôle) des substances externes à l’organisme et «l’assimilation cognitive ou intégration des stimuli, des objets ou des situations dans les schèmes d’action» puis, chez l’humain, dans les «schèmes opératoires ou conceptuels» du même organisme. Mais si assimilation cognitive il y a, c’est dans la mesure où les stimuli ne sont pas seulement déclencheurs de l’action, mais sont également insérés dans un schème d’action ou d’opération, en recevant ainsi une «signification perceptive» puis conceptuelle.

Ce rôle d’intermédiaire entre l’assimilation physiologique et l’assimilation cognitive se retrouve dans les comportements les plus élémentaires que composent les réflexes, comme le manifeste par exemple celui de succion, dont la nature montre bien ce double caractère physiologique et cognitif, ou encore le réflexe de salivation où d’ailleurs le comportement de salivation relève de la pure « réactivité nerveuse », c’est-à-dire reste encore de nature purement physiologique, alors que le stimulus (la nourriture) est l’objet d’une perception.

Pour clore ce bref examen du rôle d’intermédiaire que joue le système nerveux, Piaget rappelle la conception cybernétique du physiologiste McCulloch, selon laquelle le fonctionnement interne de ce système formant réseau comporte une logique dont les lois sont en partie similaires à celles de la logique de la pensée, mais sans pour autant que cette logique des neurones constitue, aux yeux de Piaget, un mécanisme proprement cognitif (faute de mécanismes d’attribution de signification perceptive ou conceptuelle et d’assimilation à un schème de comportement). Si filiation il y a entre cette «logique des neurones» et la logique des propositions, elle est le résultat d’une série de constructions dont chaque étape fournit la base de celle qui la suit: le système nerveux est l’instrument au moyen duquel peuvent s’édifier les schèmes d’action, qui eux aussi comportent une logique (emboîtement des actions les unes dans les autres, ordre des actions composant un schème, etc.), à partir de laquelle pourra se construire, au moyen de la représentation et du langage, une première pensée logique composée d’opérations concrètes, logique à partir de laquelle et sur laquelle pourra enfin se construire cette logique des propositions utilisée par McCulloch pour modéliser la « logique des neurones ».

La suite du chapitre reprend cet examen des niveaux élémentaires de comportement, soit des instincts et des savoir qu’ils impliquent, à l’intelligence animale, en passant par l’examen de la perception, puis de l’apprentissage et de la formation des habitudes élémentaires.

En ce qui concerne les instincts, chacun compose des enchaînements bien ordonnés de schèmes, allant des schèmes de comportement appétitif jusqu’aux schèmes de comportement consommatoire, schèmes ayant une valeur cognitive dans la mesure où il confère une signification aux stimuli qu’ils assimilent (Piaget s’appuie ici sur les travaux des éthologistes, et en particulier ceux de Tinbergen). Cette coordination innée de schèmes qui composent un instinct comporte une logique qui est jusqu’à un certain point isomorphe à la logique propre à la coordination des actions dont Piaget a pu suivre la construction dans ses travaux sur la genèse de l’intelligence sensori-motrice chez l’enfant. Cette logique se compose en effet de structures d’emboîtement (un schème peut être composé de sous-schèmes), d’ordre (par exemple la pariade suivie de l’accouplement chez des oiseaux—exemple qui révèle qu’un enchaînement instinctif de schèmes de comportement peut impliquer plusieurs individus et donc être de nature transindividuelle). Ces structures peuvent d’ailleurs s’enchevêtrer en composant des structures complexes partiellement isomorphes aux groupements multiplicatifs observés par Piaget dans le fonctionnement de la pensée opératoire concrètes chez les enfants à partir 8-9 ans environ (mais qui à la différence de ces dernières ne sont pas construites au cours de leur psychogenèse individuelle, mais sont pour l’essentiel le produit de mécanismes biogénétiques, même si une part d’exercice et d’apprentissage intervient dans la coordination des schèmes instinctifs). La question qui s’impose alors est celle des «conditions biologiques» qui ont engendré les instincts, la logique qui les caractérise, et le savoir-faire ainsi que l’adaptation au milieu que chacun implique. Selon Piaget, qui avance ici une hypothèse non vérifiable en l’état d’avancement de la biologie de l’évolution, à supposer que deux ou plusieurs schèmes instinctifs présentent chacun des caractéristiques telles qu’ils peuvent être ordonnés ou emboîtés en raison de leur convenance, alors le système génétique (des organismes concernés), les recombinaisons qu’il autorise et les régulations de différents niveaux qui lui sont propres l’auraient conduit dans le passé voire le conduiraient dans chaque épigenèse actuelle à engendrer ces coordinations complexes de schèmes que les éthologistes décrivent dans leurs travaux. En d’autres termes, le fonctionnement biologique serait apte, avant même l’apparition des conduites psychologiques individuelles telles qu’elles interviennent dans les apprentissages élémentaires, à construire ces comportements de type instinctif, qui sont plus complexes que les réflexes observés au départ de la psychogenèse conduisant à l’intelligence animale, et qui, bien que très peu mobiles, rejoignent en complexité les coordinations de schèmes propres à cette dernière.

Après avoir examiné les conditions biologiques des savoirs cognitifs associés aux comportements instinctifs, Piaget se penche sur la seconde voie de l’adaptation au milieu ayant abouti à l’intelligence sensori-motrice ou animale, en commençant par l’examen de la perception. Celle-ci a sa place dans ce chapitre dans la mesure où elle prolonge «la sensibilité générale puis nerveuse de l’organisme aux excitants extérieurs» et permet donc elle aussi de cerner le passage de saisies et de régulations perceptives biologiquement prédéterminées à des structures (ou Gestalt) perceptives dans la constitution desquelles les processus de centration et de régulation perceptives acquises ainsi que les coordinations orientées par la naissance et développement de l’intelligence occupent un rôle de plus en plus prépondérant dans l’assimilation et l’organisation du «donné sensoriel» (étant par ailleurs entendu que ces processus de régulation et de coordination prolongent dans le domaine de la perception, et en les particularisant, les mécanismes généraux d’équilibration et de régulation propres au fonctionnement vital).

Enfin, une dernière section est réservée à l’examen des étapes qui, chez les animaux supérieurs et chez l’humain, vont des premiers apprentissages et de la formation des premières habitudes acquises jusqu’à l’apparition des premiers schèmes intelligents caractérisés par la coordination des moyens et des buts, puis de ces schèmes jusqu’aux actes d’intelligence animale caractérisé par le phénomène de compréhension soudaine que manifestent aussi bien les comportements des grands singes décrits par Koehler que les bébés humains lors de la sixième et dernière étape de la construction de l’intelligence sensori-motrice, lors de laquelle interviennent les premiers usages (encore très limités) de la fonction symbolique. Si l’ensemble de ces conduites, qui s’étagent des apprentissages élémentaires et des premières habitudes acquises jusqu’à la formation de l’intelligence sensori-motrice et au-delà ne sont plus, pour l’essentiel, déterminées quant à leur structure par le système génétique des espèces concernées, elles n’en résultent pas moins de mécanismes généraux d’équilibration et de régulation, mais aussi d’assimilation et d’accommodation, qui prolongent ceux propres au fonctionnent biologique, et prennent même appui, à leur source, sur des conduites innées (réflexes et instinctives) qui sont au départ de la psychogenèse de l’intelligence.

1967.
Biologie et connaissance. Chapitre VI: L'interprétation biologique des trois formes de connaissances
Texte PDF mis à disposition le 10.11.2011
 - Présentation
[Texte de présentation: version du 24 sept. 2011.]

Les trois grandes formes de connaissance dont il est essentiellement question dans ce chapitre et auxquelles Piaget va chercher à livrer une interprétation biologique sont 1. les connaissances innées, c’est-à-dire «structurées par une programmation héréditaire», 2. les connaissances acquises portant sur la réalité physique, et 3. les connaissances logico-mathématiques (les deux dernières formes étant d’abord indissociables l’une de l’autre, jusqu’à ce que la connaissance logico-mathématique se développe indépendamment de la connaissance physique, et dans une direction d’intériorisation réflexive contraire à cette dernière).

Avant de considérer tour à tour ces trois formes de connaissance, Piaget souligne le fait que, alors que dans la plus grande partie des espèces animales, les connaissances innées occupent une place prépondérante (mais non pas exclusive), leur place est de plus en plus limitée dans les formes supérieures de vie animale et tout particulièrement chez l’humain. En se substituant progressivement aux connaissances innées, l’extension de plus en plus considérables des connaissances acquises ont permis aux organismes des espèces concernées de s’adapter à des milieux extérieurs de plus en plus variables et étendus. Cette substitution, fruit d’un véritable «éclatement de l’instinct» est ce qui, chez l’humain a fini par donner naissance aux deux mouvements contraire d’acquisition et de structuration des connaissances physiques (tournées vers le monde perçu et expérimenté) et des connaissances logico-mathématiques (orientées vers les formes d’organisation les plus générales du fonctionnement vital, qui sont la source à partir de laquelle ces connaissances, d’abord immanentes aux schèmes d’action, puis réfléchies, s’édifieront progressivement, par abstraction réfléchissante et constructive).

En ce qui concerne les «connaissances» attachées aux instincts, Piaget adopte la thèse générale qu’il a progressivement développée à propos de la genèse des formes biologiques. Cette solution reprend la double thèse de Lamarck (adaptation des organismes à leur milieu et hérédité de l’acquis), mais en substituant au mécanisme qui verrait le milieu imposé unidirectionnellement ses caractéristiques aux organismes, d’abord sur le plan simplement individuel puis sur le plan de l’hérédité spécifique, un ensemble très riche de mécanismes cybernétiques (à la fois régulateur et auto-organisateur) intervenant dans le cadre 1. des adaptations phénotypiques individuelles ainsi que 2. dans celui de la transformation du «système génétique collectif» propre à une population d’individus, mais aussi 3. dans le cadre plus limité des transformations internes au système génétique d’un individu, s’il est vrai, comme Piaget le suppose, que l’adaptation comportementale d’un individu à son milieu peut imposer une pression sélective sur les modifications internes de son génome.

En complément d’une argumentation essentiellement théorique développée en vue de rendre plausible la thèse lamarckienne de l’hérédité de l’acquis, Piaget termine cette section consacrée à l’évolution des comportements instinctifs en rapportant les résultats d’une étude prolongeant l’ancienne recherche qu’il avait entreprise sur l’adaptation d’une espèce de limnées aux régions littorales de certains lacs, et à la transformation d’abord phénotypique (individuelle) puis génotypique (=transmissible héréditairement) de la forme de la coquille de ces mollusques résultant de cette adaptation (voir JP29_1 et JP65_5). L’examen des faits recueillis renforce en effet la thèse d’un passage progressif d’une transformation individuelle vers une transformation héréditaire —phénomène que Piaget qualifie d’«assimilation génétique» en reprenant à son compte, mais dans une interprétation plus lamarckienne, une expression initialement proposée par le biologiste C. Waddington dans son ouvrage The strategy of the genes. Un tel passage progressif résulterait en effet non pas (ou pas seulement) d’un mécanisme néo-darwinien de transformation-sélection agissant sur une sous-population de l’espèce de limnées concernées, mais d’un mécanisme d’équilibration composés in fine de régulations cybernétiques internes au génome de ces organismes confrontés aux variations d’un milieu par ailleurs activement adopté sinon choisi par eux (à moins que, comme Piaget le souligne en note, l’hérédité en question ne soit pas de type chromosomique, mais extranucléaire ou cytoplasmique).

Après avoir examiné la genèse possible des connaissances attachées aux instincts (y compris les savoir-faire que sont les comportements instinctifs), Piaget se tourne vers le deuxième grand type de connaissance traité dans ce chapitre, à savoir la connaissance logico-mathématique, dont il s’agit d’expliquer les caractéristiques de fécondité et de nécessité à partir d’une certaine étape de son développement (comme l’ont montré les études de psychologie génétique). En raison de ces deux caractéristiques, les connaissances logiques et mathématiques ne peuvent être acquises par des mécanismes d’apprentissage tels qu’étudiés par la psychologie expérimentale ou encore à partir de l’expérience portant sur les propriétés inhérentes aux objets (ceci quand bien même les débuts de l’acquisition des notions mathématiques se font lors d’interactions avec les objets extérieurs). Les mêmes études montrent que ces connaissances ne sont pas innées donc héréditaires (ni apriori au sens à la fois logique et temporel du terme). Il reste donc à déterminer leur origine et par là leur nature. L’examen de leurs mécanismes de formation montre cependant que, ces mécanismes peuvent partager un point commun avec les connaissances de type physique: le recours à l’expérience, mais une expérience qui porte alors non pas sur les propriétés physiques des objets, mais sur les actions du sujet, c’est-à-dire sur l’ordre inhérent à leur coordination ou encore sur l’ordre qu’elles peuvent introduire au sein de la réalité externe. De même ces mécanismes ne sont pas dépourvus de tout rapport avec l’hérédité biologique, dans la mesure où leur examen révèle qu’ils prolongent sur le plan cognitif les fonctions et mécanismes biologiques généraux (assimilation, accommodation, régulation, équilibration, coordination…) constitutifs des formes biologiques héréditaires, et en particulier des formes inhérentes aux comportements instinctifs et des connaissances.

Ce dernier point est crucial dans l’argumentation de Piaget, puisqu’il montre que les structures logico-mathématiques partagent avec les structures biologiques le fait d’avoir pour condition de possibilité les mêmes mécanismes généraux propre à la vie en général et qui sur le plan cognitif engendrent l’ordre interne aux instincts (et donc aux connaissances instinctives) puis, avec le développement de l’intelligence, les structures de l’intelligence sensori-motrice, les structures opératoires de l’intelligence représentative, et enfin les structures mathématiques, produit et objet du travail du mathématicien. Aussi, pour compléter cette thèse sur le lien de continuité entre les mécanismes biologiques généraux de formation des structures biologiques et les mécanismes à l’oeuvre dans la construction des structures logico-mathématiques, Piaget met-il également en lumière la façon dont l’un des mécanismes centraux de cette dernière construction, à savoir l’abstraction réfléchissante, s’inscrit lui-même en continuité avec le mécanisme des «reconstructions convergentes avec dépassement» qui intervient dans la genèse des formes biologiques (à noter que Piaget abandonne explicitement ici le recours qu’il proposait, dans ses travaux antérieurs, à l’hérédité générale, supposée transmettre les grands plans d’organisation du vivant, et l’hérédité spéciale, transmettant les caractéristiques propres aux espèces et aux races biologiques, alors que ce qu’il a maintenant en vue est la transmission ou la continuation d’un organisme à ses descendants de son «dynamisme fonctionnel» —en d’autres termes, de son «organisation organisante»—, qui est «source d’isomorphismes» et d’«endomorphismes variés»).

Reste la question des connaissance «physiques» au sens le plus général (couvrant la réalité intérieure aussi bien qu’extérieure, dans la mesure où elle donne lieu à une abstraction strictement empirique et non pas logico-mathématique voire pseudo-empirique). Ces connaissances ont deux origines et conditions. D’une part elles sont acquises par apprentissage ou par expérience physique (au sens le plus large, y compris donc l’expérience psychologique) et en ce sens elles apparaissent comme le prolongement sur le plan cognitif du mécanisme d’adaptation biologique des organismes à leur milieu (avec ses deux pôles, l’un d’assimilation des contraintes ou données extérieures aux actions et aux structures de l’organisme, l’autre d’accommodation des instruments d’assimilation à ces contraintes ou données). Mais d’autre part elles comportent une dimension explicative dont ne sauraient rendre compte les mécanismes d’apprentissage et d’expérience physique, sauf à rendre illusoire le caractère de nécessité attaché aux explications physiques. Là encore, comme pour la connaissance mathématiques, les études de psychologie génétique sur le développement de l’explication physique chez l’enfant révèle que, comme Kant l’avait pressenti, c’est du côté du sujet qu’il faut se tourner pour résoudre le problème épistémologique de la causalité physique. Et là encore, ce que découvre Piaget c’est que le mécanisme en jeu s’inscrit dans le prolongement du mécanisme suggéré pour rendre compte de l’assimilation par le système génétique d’une espèce de l’adaptation biologique d’un organisme individuel à son milieu. L’explication causale est atteinte lorsque le sujet parvient à déduire ou reconstruire par déduction et au moyen de modèles logico-mathématique les régularités mises en évidence par l’expérience physique.

En définitive, ce que démontre Piaget dans ce chapitre, c’est que tous les mécanismes principaux d’acquisition ou de construction de connaissance propres aux trois grands types de connaissance examinés dans ce chapitre s’inscrivent dans le prolongement des mécanismes de génération des formes biologiques. Avec cette démonstration est atteint le but fixé dans les années 1920, dès les premières recherches et réflexions psychologiques et épistémologiques, à savoir construire une épistémologie et donc un interprétation biologique de la connaissance (ce qui n’implique en rien une sous-estimation du rôle des interactions et de la transmission sociales dans la genèse des connaissances, ainsi que Piaget le soulignera dans les conclusions de cet ouvrage) qui permet de rendre compte à la fois des caractéristiques les plus générales propres aux trois grands types de connaissance, mais également de l’accord des mathématiques avec la réalité, accord qui ne fait que prolonger, sur le plan de la cognition, celui des organismes avec leur milieu, s’il est vrai que, de même que le mécanisme d’équilibration interne au système génétique est capable de construire un génotype (c’est-à-dire une forme héréditaire) imitant le phénotype c’est-à-dire la forme acquise par un organisme en réponse aux pressions du milieu, de même le mécanisme d’équilibration propre à la pensée mathématique permet à celle-ci de construire des «structures abstraites» à même d’ «imiter… les données physiques».

A noter également que l’on trouvera dans ce chapitre, en marge de la démonstration du rôle fondamental joué par les mécanismes biologiques les plus généraux dans la construction des connaissances inhérantes aux instincts, puis, à la suite de l’éclatement de l’instinct, dans l’acquisition des connaissances physiques (liées au mécanisme général de l’adaptation, avec ses deux versants que sont l’assimilation et l’accommodation) et la construction des structures et connaissances logico-mathématiques, des analyses épistémologiques très éclairantes de la notion de nombre en ses différentes étapes de construction (du nombre figural encore peu différencié des «gestalts spatio-temporelles» jusqu’aux différentes variété de nombres opératoires, transfini compris), ou encore des connaissances spatiales, analyses qui montrent l’extrême importance pour la psychologie cognitive d’inclure le questionnement épistémologique dans ses recherches. On y trouvera également un examen de la construction des structures et des notions mathématiques qui démontre que cette construction ne peut être identifiée ni à une invention (au sens où le sujet ne peut pas les construire librement à la manière dont il peut inventer un jeu) ni à une découverte (ces êtres et notions ne préexistant pas dans un monde des idées en soi, précédant leur construction).

Notons enfin que ce chapitre contient en filigrane les problèmes qui seront traités dans la dernière décennie de recherches dirigées par Piaget au CIEG (à savoir les recherches portant sur l’abstraction réfléchissante, sur la généralisation, sur les correspondances et les morphismes, et plus généralement sur les mécanismes de construction des structures cognitives — toutes recherches qui ont pour but d’affiner la connaissance de ces mécanismes).

1967.
Biologie et connaissance. Chapitre VII: Conclusions…
Texte PDF mis à disposition le 20.11.2011
 - Présentation
[Texte de présentation: version du 28 sept. 2011.]

Une première section de ce chapitre de conclusion résume les similitudes profondes et le lien de filiation qui existent entre les fonctions, structures et mécanismes d’adaptation et d’évolution propres à la vie d’un côté, et propres au comportement et à la connaissance de l’autre, mais en insistant par ailleurs sur ce par quoi comportement et connaissance se différencient du biologique. Sont tour à tour abordés les thèmes 1. de la capacité plus ou moins grande pour un système vivant ou cognitif de contrôler son ouverture sur un milieu ou un monde extérieur de plus en plus étendu (les systèmes biologiques et les systèmes cognitifs élémentaires ayant pour condition d’existence d’être précisément ouverts sur leur milieu, le propre des systèmes cognitifs parvenu à un certain niveau de développement est toutefois de contrebalancer cette ouverture par un degré de fermeture garantissant leur pleine conservation); 2. de la progression des mécanismes internes de régulations et d’équilibration permettant cette fermeture relative d’un système ouvert, progression conduisant au développement de mécanismes de régulation des régulations, qui, sur le plan cognitif, aboutira à ces systèmes de régulations, c’est-à-dire de rétroactions et d’anticipations parfaites, car complètement réversibles, que sont les opérations logico-mathématiques; 3. du caractère plus ou moins fortement intégratif, non seulement sur le plan synchronique, mais également diachronique des systèmes vivants et des systèmes cognitifs, les seconds parvenant à un certain niveau de leur essor (et sur le terrain devenu différencié de la connaissance logico-mathématique) à intégrer complètement les systèmes dont ils sont issus et qu’ils dépassent à la fois dans leurs caractéristiques d’ouverture et de fermeture; 4. de la particularité des systèmes cognitifs les plus avancés d’être de moins en moins assujettis aux interactions organisme-milieu (grâce à dissociation des formes et des contenus résultant du mécanisme d’abstraction réfléchissante); enfin 5. et allant de pair avec cette dissociation progressive des formes et des contenus, de l’importance de plus en plus grande des échanges sociaux et des coordinations sociales dans la genèse des structures cognitives.

Après avoir résumé ainsi l’essentiel des faits et des thèses exposés dans les précédents chapitres, Piaget revient sur quelques grands thèmes qui relient et opposent la connaissance au vivant: 1. le rapport entre vie et vérité; 2. les «insuffisance de l’organisme» qui empêchent celui-ci d’atteindre les états d’équilibre propres à la connaissance et qui seront précisément dépassés par l’évolution des comportements et des systèmes cognitifs; 3. le rappel des trois grands types de connaissance et du processus d’éclatement de l’instinct qui aboutit à séparer ce qui, dans son fonctionnement, relevait des échanges comportementaux de l’organisme avec son milieu (fonctionnement laissant une marge, certes faible, d’adaptation comportemental et même d’apprentissage individuel annonçant la future connaissance physique), et ce qui relevait de son organisation et de sa logique interne, à laquelle la connaissance logico-mathématique se substituera progressivement à la suite de cet éclatement; 4. enfin le rôle des interactions sociales, qui prolonge d’une certaine façon, dans la genèse des connaissances, le rôle nécessaire du pool génétique dans le genèse des espèces.

Citons à ce propos et pour conclure ces quelques lignes de Piaget qui révèlent qu’à ses yeux l’interprétation biologique de la connaissance livrée dans cet ouvrage n’empêche en rien de juger nécessaire l’intervention de la société et des échanges sociaux dans la genèse des connaissances: «le groupe social joue […] au point de vue cognitif le même rôle que la «population» au point de vue génétique et par conséquent à celui de l’instinct. En ce sens la société est l’unité suprême et l’individu ne parvient à ses inventions ou constructions intellectuelles que dans la mesure où il est le siège d’interactions collectives dont le niveau et la valeur dépendent naturellement de la société en son ensemble». Outre le fait de contredire ainsi tout réductionnisme biologique qu’on pourrait imputer à Piaget, ce passage a pour intérêt de rappeler que dans son grand ouvrage d’Introduction à l’épistémologie génétique (JP50, la première partie du troisième volume, qui avait pour objet l’épistémologie de la biologie, était suivie d’un chapitre consacré à la psychologie à la sociologie et à la logique, chapitre dont la place et la fonction étaient cruciales puisque révélant que les connaissances physiques et mathématiques peuvent être foncièrement expliquées non pas directement par le jeu des mécanismes biologiques, mais par le jeu des mécanismes psychologiques et sociaux (donc des mécanismes d’équilibration et de régulation cognitives et sociales, ainsi que d’abstraction réfléchissante, prolongeant en les dépassant les mécanismes biologiques d’équilibration, de régulation et de reconstruction avec dépassement) dont sont issues la pensée logico-mathématique et la pensée physique.

1968 avec B. Inhelder (et la collaboration de H. Sinclair-De Zwart et al.).
Mémoire et intelligence.
Partie I, chap. 1: La mémoire d'une configuration sériale simple
Texte PDF mis à disposition le 08.07.2012
 - Présentation
[FJP/Texte de présentation: version du 7 juillet 2012.]

Ce premier chapitre de Mémoire et intelligence est intéressant non seulement par ses résultats montrant la progression du souvenir de la perception plus ou moins ancienne d’un sériation-modèle, mais aussi par la discussion approfondie de la notion de souvenir et par la réponse originale apportée à la question suivante: y a-t-il un souvenir pur, indépendant de toute activité du sujet, et conservant l’image exacte de ce qui a été perçu ou effectué dans un passé plus ou moins lointain, ou bien tout souvenir n’est-t-il pas toujours une reconstruction au moyen, entre autres, des schèmes assimilateurs qui étaient primitivement à l’oeuvre dans le passé, et qui depuis ont pu progresser, en particulier en raison de leur plus ou moins grande proximité avec le développement cognitif du sujet, et en ce qui concerne les configurations sériales, en raison du rôle que joue les schèmes d’ordre lors de leur assimilation.

1969.
Défense de l'épistémologie génétique
Texte PDF mis à disposition le 14.09.2009
 - Présentation
Dans ce chapitre 8 du volume 16 des Etudes d'épistémologie génétique, Piaget défend l'épistémologie génétique face à la vision erronée ou trompeuse que certains philosophes s'en font. L'examen de la notion de "fait normatif" lui permet de contrecarrer notamment la critique de psychologisme qui lui est parfois adressée par des phénoménologues assimilant à tort la psychologie génétique à l'ancienne psychologie associationniste — psychologie associationniste à laquelle Husserl s'opposait à juste titre dans ses Recherches logiques, mais sans pouvoir atteindre, serait-ce tendanciellement, par son approche phénoménologique purement descriptive des faits de perception et de pensée, une universalité et une objectivité de jugement, faute d'une méthode le permettant, contrairement à ce que parvient à réaliser l'épistémologie génétique en recourant non seulement à l'histoire des sciences, mais également à la psychologie génétique et en refusant d'attribuer une telle capacité à la simple démarche réflexive ou introspective de la pensée…

Parmi les auteurs dont Piaget discute ici certaines affirmations, on relèvera le nom de Suzanne Bachelard, dont il loue les analyses historico-critique, mais à laquelle il reproche le peu de cas qu'elle fait de l'apport de la psychologie scientifique et la trop grande absence de toute distance critique par rapport aux analyses introspectives de la pensée. Piaget avoue ici ne pas trop comprendre ce que la phénoménologie peut ajouter à une psychologie "qui tient compte de la conscience du sujet et non pas exclusivement de son comportement", quand bien même il a cherché des éclaircissements auprès de l'un des rares phénoménologues — Aron Gurwitch — ayant intégré la psychologie génétique dans ses réflexions (ceci en lien avec deux conférences données par Piaget dans le cadre de l'enseignement de Gurwitch à New York, à l'occasion desquelles Gurwitch, se fondant vraisemblablement sur la démarche descriptive et interprétative empruntée par Piaget à la psychologie clinique et à la psychiatrie, a tenté sans succès de convaincre son invité qu'il était un "phénoménologiste sans le savoir").

Ce que Piaget critique avant tout dans ces pages, c'est la façon dont certains philosophes croient pouvoir résoudre des problèmes de fondement des sciences comme si la philosophie était dotée d'instruments de validation supérieurs à ceux de l'épistémologie interne à chacune d'entre elle, et de plus avec une parfaite méconnaissance de leur démarche scientifique. Si, pour Piaget, Suzanne Bachelard échappe à cette catégorie, c'est grâce à sa grande connaissance de la physique et à son usage de la méthode historico-critique dans ses travaux d'épistémologie de la physique, et pour autant qu'elle ne prétende pas, par la voie philosophique, ériger les normes particulières de vérité de chaque science, que seuls les savants de cette science sont autorisés à se donner au fur et à mesure de la progression de leur discipline (les normes logiques universelles étant quant à elles érigées lors du développement de la pensée commune, puis, dans leur évolution et approfondissement ultérieurs, par la logique scientifique, ses techniques et ses règles).

Notons enfin l'examen effectué dans ce chapitre par Piaget de l'interprétation en partie lacunaire que Gilles Granger — compagnon de route de l'épistémologie génétique — se faisait de la notion de "groupement logique", qu'il voulait réduire à la notion de réseau (ou de lattice — voir aussi JP46d), en éliminant sa dimension proprement opératoire… Cet examen permet à Piaget de préciser une nouvelle fois ce que signifie pour lui les notions de groupement et d'opération, et comment la psychologie (par la découverte des structures de la pensée), la logique (par l'axiomatisation de ces structures) et l'épistémologie (par la mise en rapport de ces apports respectifs) conjuguent leurs efforts pour mieux appréhender ce qui est en jeu dans la pensée et le raisonnement humains. L'un des points centraux de son argumentation est l'affirmation selon laquelle les opérations logiques (et mathématiques), telles que l'addition de classes (ou l'addition numérique), et les objets sur lesquels elles agissent et qu'elles produisent, sont tout à fait interdépendants.

1970.
L’épistémologie génétique
Texte PDF mis à disposition le 10.05.2013

1970(64).
Classification des disciplines et connexions interdisciplinaires



[…] c’est vers trois ans […] qu’apparaissent, dans le langage, les flexions, les cas et les temps un peu compliqués, les premières propositions subordonnées, bref tout l’appareil nécessaire aux premiers raisonnements formulés. Or ces raisonnements ont aussi pour fonction de construire, derrière la réalité sensible et immédiate, une réalité supposée et plus profonde que le monde simplement donné.

J. Piaget, Le Langage et la pensée chez l’enfant, 1923, 3e éd. 1948, p. 203